28 avril 2025

Le terroir des Dentelles de Montmirail fait-il partie de l’aire Ventoux ?

Le goût du Ventoux, en version nature

L’aire d’appellation Ventoux : un territoire aux contours bien définis

Pour répondre à la question, il faut d’abord comprendre comment sont délimitées les aires d’appellation. L’Appellation d’Origine Protégée (AOP) Ventoux se répartit sur un vaste territoire, principalement dans le département du Vaucluse, au sud-est du Mont Ventoux. Cette AOP concerne 51 communes situées au pied du Géant de Provence, sur un terroir où dominent les sols argilo-calcaires et un climat provençal aux influences alpines. Elle produit des vins rouges (qui représentent environ 60 % des volumes), des rosés et une minorité de blancs. Les chiffres ? Environ 7 000 hectares de vignes, travaillés par près de 150 domaines et caves coopératives.

Les Dentelles de Montmirail, quant à elles, sont situées plus au nord-ouest dans le Vaucluse, entre les villages réputés de Gigondas, Vacqueyras et Beaumes-de-Venise. Ce massif calcaire qui doit son nom à ses crêtes acérées semble, à première vue, appartenir à une continuité géographique avec les pentes ventosines. Pourtant, sur le plan administratif et viticole, ces deux entités sont clairement distinctes : les Dentelles de Montmirail ne font pas partie de l’aire d’appellation Ventoux.

Deux territoires, deux identités viticoles

Les Dentelles de Montmirail sont associées à des appellations renommées, issues des Côtes du Rhône Méridionales : Gigondas, Vacqueyras, Beaumes-de-Venise ou encore l’AOP Muscat de Beaumes-de-Venise, connue pour ses vins doux naturels. Gigondas, par exemple, produit presque exclusivement des rouges (et un peu de rosé) sur des sols complexes mêlant calcaires, marnes et grès, tandis que Vacqueyras offre des vins audacieux au caractère puissant, souvent travaillés avec un cépage majoritairement grenache.

À l’inverse, dans l’AOP Ventoux, dont la géographie est plus vaste et variée, les vins affichent souvent une identité un peu différente. Grâce à l’altitude et aux influences climatiques montagnardes, ils bénéficient d’une belle fraîcheur : des rouges plus souples et fruités, des rosés vifs et des blancs élégants. Ici, grenache, syrah et carignan sont les rois des cépages, mais cultivés dans des conditions plus fraîches que dans les Dentelles, offrant une autre interprétation des vins provençaux.

Pourquoi cette confusion géographique ?

Si la question revient si souvent (« les Dentelles appartiennent-elles à l’aire Ventoux ? »), c’est à cause d’un entrecroisement géographique et visuel évident. Déjà, la proximité : les Dentelles de Montmirail culminent à quelques kilomètres des limites occidentales de l’aire Ventoux. Ensuite, des paysages similaires peuvent troubler les repères : vignes en terrasses, galets roulés et crêtes calcaires signent une certaine continuité esthétique.

Un autre élément, plus subtil, est lié à l’histoire des appellations. Les AOP Ventoux (anciennement Côtes du Ventoux) et les appellations des Dentelles de Montmirail, bien qu’indépendantes, ont fait partie du vaste regroupement des Côtes du Rhône. Ce grand ensemble marketing a permis pendant longtemps une certaine confusion dans l’esprit des consommateurs. Il faut ajouter à cela que la production bio et « nature », aujourd’hui omniprésente dans les deux zones, joue elle aussi son rôle : nombreux sont les amateurs à chercher des vins éthiques et sincères issus de ces terroirs proches, qu’ils soient estampillés « Ventoux » ou « Gigondas ».

Une frontière… mais des ponts

En somme, malgré une frontière claire sur le papier, ces deux terres partagent bien des points communs. La vitalité du bio, par exemple : de nombreux domaines des Dentelles comme de l’aire Ventoux travaillent leurs sols avec respect, sans produits de synthèse et avec des pratiques innovantes. Certains vignerons, comme ceux du domaine Saint-Cosme ou de Viret, sont devenus des références en matière d’agriculture bio ou biodynamique.

Plus surprenant encore, des alliances naturelles se créent dans le verre. Des dégustations communes, des assemblages inspirés, ou des cavistes qui mettent en avant une sélection mixte, sans se soucier des appellations : voilà autant de ponts entre les deux territoires. Lors d’un marché au vin bio organisé à Bédoin ou au Barroux, par exemple, vous croiserez sans doute des producteurs des deux aires voisines. Une preuve que la délimitation officielle n’efface en rien la porosité évidente de ces territoires vivants et diversifiés.

Exploration sensorielle et ouverture

Si les Dentelles de Montmirail ne font pas partie de l’aire Ventoux, elles en sont d’une certaine manière un prolongement culturel. En route pour une dégustation dans le secteur ? Empruntez les petites routes entre Malaucène, Suzette ou Beaumes-de-Venise et prenez le temps d’observer : ici, une cabane en pierre sèche se dresse au milieu des pampres ; là, un vin de Gigondas offre des tanins serrés et poivrés pendant qu’un rosé de Ventoux déborde de petits fruits rouges acidulés.

C’est à travers ces expériences, aux frontières des appellations, que l’on saisit l’essence d’un terroir : plein de nuances, de surprises et d’alliances. Alors plutôt que de chercher où commence le Ventoux et où finissent les Dentelles, plongeons dans chaque verre avec la curiosité qu’un paysage changeant inspire. Car au bout du compte, dans ce coin de Provence, ce qui compte reste l’invitation à lever son verre et célébrer le vivant.

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